Incroyable histoire que celle de Violette Morris. Athlète omnisport, ce garçon manqué fut ensuite pilote automobile avant de sombrer dans la barbarie nazie.
Violette Morris nait en 1893, à Paris. Fille d’un baron qui aurait voulu un garçon, elle découvre la mécanique à 10 ans, lorsqu’un plombier débarque dans le manoir à vélo.
Elle emprunte le vélo et c’est le coup de foudre.
Plus tard, ses parents la jugent chétive et l’envoient dans un couvent à la campagne, où elle se découvre un gout pour le sport en général et pour les autres femmes.
En terme d’engins à moteur, elle fut d’abord motarde (même si elle n’a couru à moto qu’à partir de 1925.) Pendant la première guerre, elle devient ambulancière, toujours à moto. Elle s’en prend vertement aux malheureux poilus qui préfèrent s’auto-mutiler que de continuer à combattre.
D’abord lanceuse de poids (et pionnière de la discipline), elle pratique (avec succès) également la natation, le vélo, la boxe, l’équitation, le tir à l’arc, l’haltérophilie et le football!
Les années 20 voit justement l’explosion du football féminin (ci-dessous; elle n’est pas sur la photo.) Mais les moralisateurs sont en embuscade: on considère alors qu’une jeune femme qui fait du sport (ou qui travaille), doit se « préserver » car le moment venue, elle devra tout abandonner pour se marier, avoir des enfants et mener une paisible activité de femmes d’intérieure. Le sport pourrait donc leur inculquer des notions de liberté et d’égalité des sexes.
Quelle débauche!
Violette Morris n’est définitivement pas l’une de ces « futures épouses »: très masculine, ouvertement bisexuelle, elle jure et n’hésite pas à prendre à parti les spectateurs mécontents! Tous les prétextes sont bon pour l’exclure, comme en 1923, où on l’accuse de distribuer des amphétamines à ses coéquipières. Elle fut néanmoins plusieurs fois sélectionné en équipe de France féminine
Ce qui nous intéresse évidemment, c’est son parcours derrière un volant. En 1922, en parallèle de tout ces sports, elle s’engage en compétition avec un cyclecar Benjamin. Elle remporte d’emblée de nombreux trophés.
Elle est loin d’être la seule femme pilote. Il existe même une fédération féminine du sport automobile. Mais les autres femmes sont surtout de jeunes élégantes, qui courent le petit doigt en l’air. Et comme d’habitude, La Morris détonne.
Vers 1925, « la Morris » est exclue de la plupart des clubs athlétiques féminins. Elle a donc plus de temps pour piloter. En 1927, à Saint-Germain, elle décroche la victoire absolue au Bol d’Or auto, sur BNC « usine »: 24 heures seule au volant!
Ce fut son apogée. Trop indépendante et ayant mauvais caractère, elle n’a pu quitter les cyclecars et passer aux Grand prix (où l’appui d’un mécène, voir d’un constructeur, est obligatoire.)
En 1928, elle se fait enlever ses seins parce qu’ils « la gênent pour conduire ». On est à l’époque des grands volants, qui se tiennent près du corps.
En 1930, elle est exclue de la fédération féminine du sport automobile pour… Port d’un pantalon (ressortant opportunément une loi du XIXe siècle alors surtout appliquée pour les hommes s’habillant en femmes)!
Elle ouvre un magasin de pièces détachées et court sporadiquement « pour promouvoir son magasin ». Elle devient au passage une « figure » de Montlhery, auprès de laquelle se pressent les V.I.P. du paddock (ci-dessous, avec Josephine Baker.)
Mais la crise de 1929 passe par là. En 1934, elle revend son magasin à BNC. Elle tente brièvement une carrière dans la chanson puis disparait du radar. Dans le Pigalle des années 30, les stars de la chanson côtoient volontiers les truands et d’aucun pensent que c’est avec les second que Violette Morris trainent désormais.
En 1936, elle est invitée aux Jeux Olympiques de Berlin, comme V.I.P. C’est sans doute là qu’elle fut recrutée par l’Abwehr (contre-espionnage nazi.) Certains parlèrent d’une amourette avec une officier de la Gestapo ou un simple désir de revanche sur une France qui l’a exclue. D’autres évoquèrent une réelle fascination pour le nazisme.
Devenue agent, elle livre aux Allemands les plans du char Somua. Les nazis peuvent ainsi découvrir que le S-35, sans doute le meilleur tank de la fin des années 30 est lent, n’a pas de radio et que sa tourelle est dirigé par le commandant (qui ne peut donc plus surveiller la zone de combat lorsqu’il tire.)
Lorsque les hostilités éclatent, la Gestapo veut « accompagner » la Wechmacht. Mais même les soldats nazis trouvent les agissements de la police secrète abominables. Heinrich Himmler profite du chaos en haut de la hiérarchie nazie pour créer une « filiale Française » de la Gestapo. Ce sera la sinistre « Carlingue ». La Gestapo recrutera ses agents dans le « milieu » afin de bénéficier de leurs connaissances de Paris et de leur absence de scrupules.
Officiellement, c’est un bureau d’achat publique, chargé de collecter l’argent que la France doit payer à l’Allemagne en guise de « réparations » et d’acheter en France des biens pour le compte de l’état Allemand. Mais c’est surtout une bande de malfrats chargés d’arrêter et de torturer, avec le soutien tacite de Vichy.
Ils profitent d’une total impunité pour se livrer en parallèle à des activités de grand banditisme (marché noir, proxénétisme, cambriolage, recel des biens spoliés aux Juifs, etc.)
Et certaines personnes furent arrêtées et torturées simplement parce qu’elles leur faisaient de la « concurrence ».
Violette Morris fait parti de la bande. Elle est la maitresse d’un certain « Jo la terreur ». On la surnomme la « Hyène » et on la dit adepte de l’interrogatoire au chalumeau. Comme tous les cadres de la Carlingue, elle mène grand train.
Quel fut son rôle précis? Difficile de savoir, car immédiatement après la guerre, Henri Lafont et Pierre Bonny (les deux « cerveaux » de la Carlingue) sont interpellés, jugés, condamnés à mort et exécutés en 3 mois. Le juge d’instruction se plaignit d’une telle célérité.
Mais on estime qu’environ 32 000 personnes ont travaillé de près ou de loin pour la Carlingue et il ne valait mieux pas que Lafont et Bonny parlent trop…
Quant à Violette Morris, son parcours s’arrêta en avril 1944, lorsque sa 15cv/six équipée d’un compresseur est mitraillée par les résistants du groupe « Surcouf ». Elle meurt sur le coup, avec 4 autres membres de la Carlingue (dont sa nièce.) D’après la légende la balle qui l’a tuée fut tirée par Philippe Maillard-Brune, vainqueur du bol d’or 1935.
http://www.leblogauto.com/2009/04/violette-morris-du-rose-au-brun.html